Ils laissaient Maurin vider son sac, esperant surprendre quelque parole compromettante pour lui. Esperons! dit-il, resumant par ce seul mot les sentiments qui bouillonnaient dans leur coeur. Mon Dieu, dit le prefet, on a des gouts. Le visage de cette jeune femme respirait la gaite et la malice jointes a une extreme, bonte; ses traits sans etre reguliers formaient un tout coquet et gracieux qui plaisait au premier coup d’oeil; son teint, excessivement blanc, la distinguait des autres femmes de rancheros, indiennes cuivrees pour la plupart; son costume etait celui qui appartient a sa classe, mais d’une proprete remarquable et porte avec une coquetterie mutine qui lui seyait a ravir. . Maurin allait entrer dans une souriciere! Il se mit a rire tout bas. . Il est bon de se rappeler qu’en Provence, on nomme _braconnier_ tout chasseur passionne qui fait metier de la chasse, meme s’il n’enfreint aucune des lois qui la regissent. Ils y sont toujours, vous savez! et si je ne m’en mele pas, je commence a croire qu’a vous tous vous ne les aurez jamais! C’est dommage, Sandri! ca peut retarder ton avancement et aussi ton mariage. . .
. Et lui faisant un dernier signe de la main, l’aventurier s’eloigna par une galerie laterale.
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A quatre heures le camp fut leve; Lopez servait de guide. Lorsque les deux jeunes gens furent seuls, ils placerent Raimbaut en faction dans l’antichambre, afin de ne pas etre surpris, et, s’etant retires dans la chambre a coucher du comte, ils commencerent une longue et serieuse conversation, pendant laquelle Ludovic mit le baron au fait, en lui faisant une espece de biographie, des personnes avec lesquelles il etait pour quelque temps appele a vivre; il s’etendit surtout sur le compte de don Melchior, dont il l’engagea a se mefier, et il lui recommanda de ne pas oublier qu’il ne savait que quelques mots d’espagnol, et qu’il ne le comprenait pas: ce point etait essentiel.
Le sang provencal bouillonnait en lui. Seul, Lopez etait demeure ferme a son poste.